Le tatouage sur la peau est une pratique existant depuis des milliers d’années, avec des pays et des cultures dans le monde entier ayant adopté et développé différents styles et méthodes pour orner nos corps. Mais l’art du tatouage ne s’est sans doute jamais tant ancré dans une culture qu’en Polynésie. Depuis les tribus et le tatau jusqu’à The Rock, nous allons faire la rétrospective de l’histoire des tatouages polynésiens. Bien que les explorateurs européens arrivèrent pour la première fois en Polynésie en 1595, ce n’est pas avant le passage du capitaine James Cook dans ces îles en 1769 que les premiers rapports de ces tatouages tribaux ne furent documentés. On attribue la première référence au terme de “tattoo” à Joseph Banks, un naturaliste à bord du HMS Endeavour, le navire de James Cook. Dans son journal, Banks écrit “I shall now mention the way they mark themselves indelibly, each of them is so marked by their humour or disposition*” (*J’évoquerai maintenant la façon dont ils se marquent de façon indélébile, chacun d’entre eux étant marqué par son humeur ou sa disposition). Après avoir visité Tahiti et observé la pratique du tatouage pour la première fois, le capitaine Cook parle de “tattow”, emprunté du terme samoan “tatau” et, de façon similaire, du terme marquisien “tatu”. C’est à son retour en Europe en 1771 que le terme “tattoo” fait son entrée dans le dialecte local. Il devient alors rapidement populaire à cause des tatouages de Ma’i (connu sous le nom de Omai au Royaume-Uni), un Tahitien ramené par Cook, devenant ainsi le tout premier Tahitien à voyager jusqu’en Europe. Bien que les Européens de l’époque aient connaissance de ce style particulier de tatouage, ils ne savaient pas encore que de nombreuses variations des tatouages polynésiens existaient sur ces îles. En Nouvelle-Zélande, le plus grand pays de Polynésie, le peuple autochtone Māori pratiquait une forme de tatouage connue sous le nom de tā moko. La technique Tā moko est différente de celle du tatouage car la peau est sculptée à l’aide de burins connus sous le nom de “uhi”, plutôt que d’être percée par des aiguilles. D’ordinaire, ces tatouages Māori se trouvent sur les visages de ceux qui les reçoivent, mais peuvent aussi figurer sur les fesses et les cuisses. Les artistes tatoueurs Māori étaient connus sous le nom de tohunga-tā-moko, ou “spécialistes moko”. Traditionnellement, les tohunga-tā-moko étaient considérés comme “tapu”, significant “sacrés”. (James Cook dérivera plus tard le terme anglais “taboo” depuis “tapu”, après sa visite à Tonga en 1777.) Dans la culture Māori pré-européenne, la majorité des personnes haut placées recevaient le “moko”, et ceux qui faisaient sans étaient perçus comme ayant un statut social moins élevé. Depuis les années 90s, la pratique tā moko est revenue à la mode pour les homes et les femmes et est vue comme un signe d’identité culturelle et de renaissance de la culture elle-même. Contrairement à leurs origines, la plupart des tā moko sont appliqués avec une machine à tatouer, mais de nombreux artistes ont maintenant repris l’utilisation des burins. Sur l’île polynésienne de Samoa, le “tatau” présente deux formes distinctes : “pe’a” pour les hommes, et “malu” pour les femmes. Le tatouage traditionnel pour les homes, le pe’a, couvre le corps de la taille jusqu’au-dessous des genoux, et est réalisé par les “tufuga ta tatau”, en d’autres mots “les maîtres tatoueurs”. Le processus de tatouage du pe’a est extrêmement douloureux. Les tufuga ta tatau utilisent traditionnellement un set d’outils fabriqués main à partir de morceaux d’os, de carapaces de tortues et de bois pour réaliser les tatouages sur le corps. Tatouer un pe’a peut prendre de plusieurs semaines à plusieurs mois pour être entièrement réalisé, et il n’était pas inhabituel pour un petit groupe de garçons de se faire tatouer en même temps. Pour les femmes, le malu couvre les jambes de juste en dessous des genoux jusqu’en haut des cuisses. Typiquement, les dessins sont plus fins et plus délicats que pour les pe’a. À l’origine, seule la fille du chef était autorisée à porter le malu et il était tatoué dans les années suivant la puberté. Les femmes portant le malu avaient pour coutume de représenter leur famille durant les cérémonies. L’un des plus célèbres exemples de tatouage samoan récent est le tatouage de Dwayne ‘The Rock’ Johnson, un pe’a samoan partiel tatoué sur son côté gauche. Comme pour tous les tatouages samoans, le pe’a de The Rock est composé d’une variété de symboles, chacun représentant quelque chose lui étant cher et qui le passionne, formant une histoire sur sa vie, son parcours et ses ancêtres. Parmi les symboles composant son pe’a, on retrouve des feuilles de noix de coco (désignant un chef guerrier samoan), un isa/ga fa’atasi (“trois personnes en une” - représentant Dwayne, sa femme et sa fille) et deux yeux (symbolisant ses ancêtres veillant sur son parcours). Les célébrités comme Dwayne ‘The Rock’ Johnson ont certainement aidé les tatouages polynésiens à passer de l’ombre à la lumière, avec les tatouages traditionnels figurant maintenant jusque dans les films Disney. Le film d’animation Disney de 2016 “Moana”, présentant également The Rock dans son casting original, a donné un aperçu à la nouvelle génération sur la culture polynésienne, et notamment sur la façon dont ces tatouages traditionnels peuvent raconter une histoire personnelle. Bien que les tatouages polynésiens fussent traditionnellement faits par des natifs des îles respectives, la popularité du tatouage aujourd’hui a eu pour conséquence l’appropriation de la pratique de tatouages tribaux par de très nombreux artistes de par le monde. Mis à part les artistes polynésiens, des artistes comme Brent McCown (Australie), Manos “Manu” Paterakis (Grèce) et Chris Higgins (Royaume-Uni) contribuent à garder l’esprit du Tatau vivant et à l’apporter aux clients dans le monde entier. Aux USA, une exposition intitulée “Tatau: Marks of Polynesia” traite plus en détail du rôle clé que les tatouages jouent dans la préservation et la propagation de la culture samoane. Commissionnée par le maître artiste tatoueur Takahiro “Ryudaibori” Kitamura au Japanese American National Museum, "Tatau: Marks of Polynesia" explore l’histoire du tatau et la façon dont il continue encore aujourd’hui d’être populaire dans le monde moderne. L’exposition ayant pris fin, vous pourrez découvrir la beauté des tatouages polynésiens par vous-même grâce au livre du même nom accompagnant l’exposition. Le livre Tatau: Marks of Polynesia présente 286 pages de photos couleur du travail d’artistes tels que Su‘a Sulu‘ape Alaiva‘a Petelo, Su‘a Sulu‘ape Peter, Su‘a Sulu‘ape Paul Jr., Su‘a Sulu‘ape Aisea Toetu‘u, Sulu‘ape Steve Looney, Tuigamala Andy Tauafiafi, Mike Fatutoa, et Sulu‘ape Si‘i Liufau. « Votre collier peut casser, l’arbre fau peut craquer, mais mes tatouages sont indestructibles. Il s’agit de joyaux éternels que vous emporterez dans votre tombe. »  – Verset d’une chanson d’un artiste tatoueur polynésien traditionnel.